Pas de panique ! On s’organise et on fait face au second mandat Trump
Donald Trump a de nouveau accédé à la présidence. La Black Rose/Rosa Negra Federation, l’organisation communiste libertaire états-unienne publie cette première réaction au retour de l’histrion d’extrême droite à la tête d’un des pays les plus puissants de la planète.
1. Pas d’autre choix que de se battre
Comme à chaque élection, le « choix » qu’on nous a offert était un faux choix : un programme de réaction ouverte ; un autre de génocide bienveillant [1]. Pourtant, la victoire de Trump était loin d’être inévitable.
Saisissant l’occasion de réviser son programme, le Parti démocrate a remplacé une doublure par une autre sans changer de ligne. La volonté de Biden, puis de Harris, de sacrifier les votes des États-Uniens musulmans et arabes en refusant de freiner ‒ et a fortiori de stopper ‒ l’aide des États-Unis aux guerres génocidaires d’Israël à Gaza et au Liban en est la preuve la plus flagrante.
Mais d’autres facteurs explicatifs existent, notamment l’incapacité des démocrates à formuler quoi que ce soit qui ressemble à un plan pour faire face aux crises qui s’aggravent autour des prix abusifs, du coût de la vie, du logement, de l’autonomie individuelle ou des soins de santé.
Il est désormais impossible de prétendre que Trump est une aberration. Il est aussi états-unien que la tarte aux pommes, un produit du système de domination qui structure notre société. Pour affronter cette deuxième administration Trump, nous devons aussi affronter ce système de domination ‒ une tâche qui nécessitera de l’organisation, du courage et de l’engagement.
Nous y voilà. Malgré la peur, la colère voire le désespoir du moment, il ne faut pas reculer. Il faut agir.
2. Descendre dans la rue
Les manifestations et protestations remontent le moral, en créant un sentiment de cause commune, et en montrant publiquement le pouvoir potentiel des mouvements sociaux. Elles sont particulièrement importantes en réaction à une crise ou à un événement majeur comme celui que nous vivons.
Mais les manifestations ne suffiront pas. Depuis des décennies, nous voyons les limites des marches de protestation de masse. Bien que symboliquement puissantes, elles ne parviennent pas à créer l’effet de levier nécessaire pour modifier radicalement le cours des événements. Pour créer cet effet de levier, nous devons…
3. Nous organiser
Ramenez l’énergie de la rue chez vous en vous organisant et en renforçant les contre-pouvoirs dans la vie quotidienne. Cela peut être impulser un syndicat sur votre lieu de travail, un syndicat de locataires dans votre immeuble, une assemblée dans votre quartier ou une organisation étudiante sur votre campus. Là où ces organisations existent déjà, notre tâche consiste à renforcer la capacité de la base à les prendre pleinement en main et à les transformer en organisations de combat efficaces.
Ne vous méprenez pas, rien de tout cela n’est simple ni facile à faire ‒ c’est le but !
Si nous voulons créer un levier pour agir sur la situation, lutter contre le pire de ce que Trump a planifié, nous défendre et, en fin de compte, transformer la société depuis la base, nous devons construire des organisations durables capables d’exercer un pouvoir populaire là où nous travaillons, vivons ou étudions [2].
L’auto-organisation doit de permettre de…
4. Faire grandir nos mouvements
Comme nous l’avons vu avec le premier mandat de Trump, des millions de personnes vont à présent chercher des endroits où canaliser leur frustration ‒ beaucoup seront ouverts à une critique systémique du capitalisme et de l’État. Nous devons être prêts à accueillir ces nouveaux venus à bras ouverts, avec patience et bienveillance.
Rejetant à la fois le paternalisme et l’absence de structure, nos mouvements doivent être des lieux qui éduquent et arment les gens avec les outils nécessaires pour lutter efficacement, tout en maintenant des structures réellement démocratiques et ascendantes.
Ne construisons pas des clubs d’activistes, mais des mouvements de masse, combatifs, capables de riposter et de gagner. Les mouvements et les coalitions de mouvements qui sont réellement inclusifs, démocratiques et dirigés depuis la base ont le potentiel de…
5. Mettre le feu aux poudres
Les journées d’action rassurent : on n’est pas seul à être indigné·e. Mais les leaders des manifestations dirigent rarement cette juste colère contre les personnes et les institutions qui jouent un rôle crucial dans les politiques répressives.
Au cours du premier mandat de Trump, les mouvements sociaux ont appris à concentrer la pression collective. Par exemple, en ciblant les aéroports et en tenant des fêtes de bienvenue pour les migrant·es, il a fait échouer sa première tentative d’interdiction d’entrée aux musulmans. Plus tard, des milliers de personnes ont installé des campements devant les installations de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) pour exiger la fin de l’enfermement des enfants et de la séparation des familles.
Pour contrer les politiques répressives de la nouvelle administration, nous devons identifier des cibles stratégiques et créer un rapport de forces.
Cependant, alors que les marches de protestation ou même les actions prolongées peuvent peser pendant une courte période, l’organisation du quotidien ‒ sur nos lieux de travail, nos quartiers et nos campus ‒ peut peser plus durablement, et faire vraiment mal. Nous en avons vu des exemples sous le premier mandat de Trump, avec l’expérience d’assemblées de quartiers qui ont protégé les migrant·es en perturbant l’activité de l’ICE.
Une fois que nous avons bâti le contre-pouvoir, nous devons l’exercer : par la grève ouvrière, locative ou étudiante, ou par d’autres tactiques conflictuelles de masse qui peuvent perturber le cours des choses.
Comme nous l’avons dit au début, Trump n’est que le symptôme d’un système de domination plus large. Pour combattre ce système et en finir avec lui, nous avons besoin d’une stratégie à long terme pour…
6. Consolider le pouvoir populaire
Nos tâches les plus immédiates sont de construire l’auto-organisation et d’exercer le contre-pouvoir par des tactiques de perturbation. Mais cela ne suffit pas.
Les perturbations organisées nous donnent un avant-goût de notre véritable pouvoir : nous faisons fonctionner ce monde et nous pouvons aussi l’arrêter. Mais à quoi cela ressemblerait-il de contrôler démocratiquement l’endroit où nous vivons, travaillons ou étudions… pour de bon ?
C’est ce que nous appelons le pouvoir populaire, la capacité des mouvements sociaux combatifs à amener les gens à exercer un contrôle sur les institutions du quotidien. Impulser l’auto-organisation, c’est pouvoir affronter le moment présent, et c’est une étape vers un plus large pouvoir populaire.
7. Trouver un foyer politique
Bien que les organisations enracinées dans le quotidien soient en première ligne de tout mouvement social de masse, il est également crucial d’avoir un endroit où développer des perspectives politiques, des stratégies et des tactiques qui vont au-delà du moment présent, et embrassent un horizon révolutionnaire.
La Black Rose/Rosa Negra Federation est notre foyer politique. Nous élaborons des stratégies ensemble afin d’agir ensemble, en poussant toutes et tous dans la même direction vers un objectif de révolution sociale et de socialisme libertaire.
[1] Kamala Harris comme Donald Trump étant d’accord pour livrer les armes permettant à Israël de poursuivre sa politique, NDT.
[2] En contrebas de ce texte, la Black Rose/Rosa Negra Federation suggère des « rampes d’accès » à l’auto-organisation.