Orpéa : Les aides à domicile sortent enfin de l’ombre
Souvent accueillies avec scepticisme par les militantes et militants, les journées de grève interprofessionnelles servent parfois de tremplin au développement d’une lutte locale. C’est le cas dans l’entreprise Domidom où les auxiliaires de vie à domicile ont décidé d’entrer dans une lutte prolongée.
Tout démarre le 18 octobre lors d’une nouvelle journée nationale de grève. À Caen, ce jour-là les travailleuses (aides à domiciles) de chez Domidom sont en grève. Cette entreprise fait partie du groupe Orpea, qui est sur le fil depuis le scandale sur la gestion austère de ses maisons de retraite.
Les travailleuses d’Orpea n’étaient pas d’abord syndiquées, situation de désert syndical commun dans le secteur de l’aide à domicile. Elles décident alors de reconduire seules leur grève, et de s’organiser pour tenir. Ce qui nécessite de se rencontrer, alors que le collectif de travail est quasi inexistant dans cette profession.
Les syndicats de Caen ont tout de suite soutenu et appuyé leur lutte. Les moyens matériels sont bienvenus, après avoir commencé avec « un drap et un marqueur ». Macron disait qu’en traversant la rue on trouvait du travail ; elles y ont trouvé des camarades. Juste en face du piquet de grève, dans l’entreprise Enedis, les ouvriers de la CGT ont été parmi les premiers à leur apporter de l’aide, notamment une tonnelle pour s’abriter.
« Avant la grève je regardais toujours devant, je ne m’attendais pas à ce qu’en regardant derrière je trouve autant de copains ! », dit l’une d’entre elles.
Revendiquer et s’organiser
Après deux semaines de grève, elles rejoignent la CGT afin d’étendre leur lutte, de bénéficier de droits syndicaux, de dépasser le rapport hiérarchique avec le patron. Elles utilisent l’image écornée d’Orpea pour faire avancer leurs revendications.
Une augmentation des salaires de 20 %, bloqués depuis vingt ans en dehors de la hausse du Smic, une majoration des heures supplémentaires à 25 %, une prévoyance collective, un 13e mois ou une prime d’assiduité.
Mais aussi une prime de panier de dix euros par jour : surchargées de travail, leur temps de déplacement n’étant pas pris en compte, elles mangent sur le pouce dans la voiture ou les transports. Ainsi qu’une revalorisation des indemnités pour les frais kilométriques. Pour celles qui se déplacent avec leur véhicule, le prix du carburant amputent de plus en plus leur salaire.
Leurs revendications signifient vouloir vivre dignement de son travail qui, rappelons-le, est essentiel à la société. Les négociations sont rudes mais avancent. Par leur ténacité et l’aide des syndicats, elles sont devenues visibles. Toutes les organisations politiques, du PS à l’UCL, leur apportent un soutien qu’elles méritent.
Vite invitées et soutenues par des député·es Nupes, elles savent que leur lutte leur appartient. Ce soutien des parlementaires doit leur servir à elles, elles l’ont bien compris. Pour beaucoup d’entre-elles la grève est un sacrifice très dur, mais la solidarité de classe alimente les caisses de grève et permet de tenir.
Une soirée de soutien a eu lieu à la Maison des syndicats et d’autres évènements sont dans les tuyaux. Cette lutte exemplaire nous rappelle des choses importantes : c’est dans les luttes au quotidien des travailleurs et des travailleuses que se construit la conscience d’une solidarité entre nous, c’est là que se construit la légitimité de l’action syndicale et la construction d’un pouvoir venu d’en bas.
Article paru dans le mensuel Alternative Libertaire, décembre 2022