Condamnation de Marine Le Pen et du RN : La justice ne suffira pas à abattre l’hydre fasciste.

Reconnue coupable dans l’affaire des assistants parlementaire du RN, et condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate, Marine Le Pen ne pourra probablement pas être candidate lors de la présidentielle de 2027. Derrière elle c’est aussi tout son parti corrompu qui est condamné. Mais cette décision de justice ne suffira pas à endiguer le parti fasciste.

Pendant 12 ans le RN a largement détourné les fonds de l’Union européenne qui lui étaient alloués, à l’aide d’un système généralisé d’emplois fictifs. 12 ans, c’est aussi le temps qui s’est écoulé entre les premières révélations sur le sujet, en 2013 par Mediapart, et cette première décision de justice : pendant tout ce temps, le RN a continué à financer son ascension politique en détournant les caisses du parlement européen, pour un montant de plus de 5 millions d’euros d’argent public.

Au delà de Marine Le Pen, c’est tout le RN qui est condamné : 8 autres élu·es du parti et 12 assistant·es parlementaires ont également reçu des peines de prison, des amendes, et des peines d’inéligibilité pour certains cadres. Le parti lui même est condamné à 2 millions d’euros d’amende et à 4,4 millions de dommages-intérêts. Mais rien de tout ça ne mettra réellement le parti en danger : les 114 députés élus suite à la dissolution de juin 2024 lui assurent une belle rente de 13 millions d’euro par ans versée par l’État. En préparation de ce verdict sans surprise, les cadres du RN, Marine Le Pen en tête, crient depuis des semaines au complot politique et s’auto-proclament innocents. Une vision des choses que Marine Le Pen a tranquillement pu défendre le soir même sur TF1, qui lui offrait une tribune : on se souviendra de cette générosité la prochaine fois que l’extrême droite osera parler de « tribunal médiatique ».

C’est un schéma connu à droite comme à l’extrême droite : tant qu’elle concerne les prolétaires, la justice semble toujours « laxiste » et « molle » aux conservateurs, mais dés qu’il s’agit de bourgeois ou de politiques professionnel·les, alors il n’est plus question que de « cabale » et de « juges rouges ». Une conception de la justice comme simple extension du pouvoir de la bourgeoisie, qu’elle ne devrait jamais entraver, tout en étant à son service pour permettre le maintien de la domination capitaliste. Solidaire de cette vision du monde, l’internationale fasciste ne s’est pas faite attendre : Poutine, Orban, Musk ou encore Salvini ont exprimé leur soutien à Marine Le Pen dans les minutes qui ont suivi le verdict.

En plein procès Sarkozy, il est important de garder en tête que ces fonctionnements frauduleux ne sont pas spécifiques à l’extrême droite, mais bien généralisés au sein de la classe politique. À droite comme à gauche : depuis 2017, Jean-Luc Mélenchon est aussi ciblé par une enquête de l’office antifraude européen, soupçonné de pratiques similaires à celles reprochées au RN. Une information qui permet de mieux comprendre l’enthousiasme de LFI à crier au scandale démocratique concernant la peine d’inéligibilité prononcée.

Car c’est l’information principale : condamnant Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate, cette décision de justice empêche théoriquement sa candidature à l’élection présidentielle de 2027. Elle a d’ores et déjà annoncé faire appel du jugement, l’appel a pour conséquence de suspendre la peine de prison, mais pas l’inéligibilité qui est exécutoire. Seule solution alors pour se présenter à la présidentielle : que l’appel ait lieu avant le début de la campagne et qu’il la blanchisse. Il faudra donc voir si la justice parvient à tenir face aux diverses pressions réactionnaires qui seront exercées contre elle pour faire avancer la date du procès.

C’est donc probablement à une candidature Bardella qu’il faut se préparer, mais peu importe le visage qui l’incarne, l’extrême droite est un danger mortel que nous combattrons pied à pied où qu’elle se trouve. Ne soyons pas dupes : la condamnation de Le Pen ne change pas l’état politique du pays, et ne suffira pas pour barrer la route à l’extrême droite. Seule une mobilisation antiraciste et antifasciste constante et conséquente pourra permettre de lui faire face, et seule la construction de mouvements sociaux démocratiques de masse et la conquête sociale permettront d’établir une réelle alternative.