Second tour : pas de résignation… on s’organise
Quel antifascisme aujourd’hui ?
[Orientation communiste libertaire]
L’extrême droite, en France et dans le monde, gagne du terrain, entre dédiabolisation, surmédiatisation et complotisme. L’antifascisme est une composante intégrante des mouvements libertaires, un axe fondamental du combat prolétaire pour imposer la lutte des classes, la solidarité et le refus de toutes les dominations. Pour cela, il est nécessaire de s’organiser et de s’unir.
La lutte contre les extrêmes droites et leurs projets fascistes fait parti intégrante des mouvements libertaires. Si elle s’est principalement focalisée sur le Rassemblement national (ex Front national), les cibles de la lutte antifasciste ont évolué en même temps que le parti d’extrême droite nationaliste s’est éclaté en plusieurs composantes.
Malgré leurs différences, les extrêmes droites savent s’allier, entre elles mais aussi avec la droite classique, lorsqu’il s’agit d’accaparer le pouvoir ou de profiter des crises du capitalisme pour asseoir leurs idées.
La bourgeoisie, quant à elle, est souvent très représentée dans ces mouvements, sait s’accommoder des discours populistes et racistes quand elle est aux abois, lesquels ne remettent jamais en cause structurellement ses privilèges.
Actuellement, avec l’enchaînement des crises sociales, économiques, sanitaires et écologiques, et devant la désorganisation toujours plus difficile à résoudre du mouvement ouvrier, un certain fatalisme conduit une partie des classes populaires à se tourner vers les mouvements d’extrême droite en renforçant d’autant leur influence.
En France et dans le monde, le fascisme avance
Au niveau international, ces dix dernières années ont vu l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, ou de personnalités appuyées par celle-ci. Ce pouvoir se traduit par la mise en place de politiques encore plus racistes et homophobes, doublées d’une carte blanche à peine dissimulée aux agressions fascistes. On assiste aussi à une évolution répressive et autoritariste des démocraties libérales ainsi qu’au développement de mouvements d’extrême droite et fascistes dans l’ombre de ces régimes (Hongrie, Pologne, Inde, Brésil, États-Unis, Russie, Israël), qui s’accompagne d’attaques meurtrières contre les mouvements politiques de gauche et les minorités.
Au Moyen-Orient, les régimes autoritaires ou théocratiques et les organisations islamistes radicales attaquent et terrorisent les militant·es ouvrières et féministes et toute tentative d’émancipation du prolétariat. […]
En France, le principal parti qui représente l’extrême droite reste le Rassemblement national. La stratégie de « dédiabolisation » entamée par Marine Le Pen a porté ses fruits : aujourd’hui, le parti et ses alliés ont leur place de manière quotidienne dans l’espace médiatique et politique. Les élections locales ne lui ont néanmoins pas permis de confirmer son ancrage national.
De la droite classique à la gauche libérale, les idées identitaires se sont imposées. Le pouvoir actuel réutilise même le vocabulaire de l’extrême droite afin de mettre en place ses dernières lois répressives, autoritaires et racistes.
Autour du RN, une multitude de groupuscules et mouvances néofascistes s’affichent. Ces groupuscules sont souvent le fer de lance de la violence contre les militants de gauche et les minorités sexuelles et ethniques. Certains se préparent matériellement à la guerre civile, voire ont préparé et effectué des attentats - la plupart du temps déjoués. Néanmoins, la liste de leurs actions meurtrières est longue.
Au delà des groupuscules, Internet a permis aux militants d’extrême droite de pouvoir diffuser leurs idées beaucoup plus librement qu’auparavant, notamment par la vidéo. […] Plus largement, les théories complotistes ou confusionnistes (« Nouvel Ordre mondial », « Illuminatis », anti-scientifique…) sont souvent le recyclage de discours fascistes amenés en sous-main par le succès de ces théories, reprises par des musiciens et des artistes, et contribuent à propager la parole fasciste et à paralyser les ripostes possibles.
La méfiance à l’égard des institutions étatiques et l’incapacité du mouvement ouvrier à proposer une alternative ont également été le terreau fertile pour les théories d’extrême droite, s’appuyant sur un discours complotiste et anti-système.
De toute évidence, le courant antifasciste républicain s’est effondré avec les appareils militants qui le portaient : PS et Unef en tête. La LDH maintient la flamme, mais ses équipes sont vieillissantes.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’antifascisme radical a lui évolué. Présents majoritairement dans les grandes villes, des collectifs existent, et se regroupent sur des identités culturelles et politiques assez claires. Parmis eux , deux labels sont aujourd’hui bien connus : l’Action Antifasciste (l’AFA), davantage positionnée sur une ligne autonome et anti-impérialiste et les Jeunes Gardes, plutôt proches des organisations de la gauche sociale et politique. Sur le terrain, le mouvement antifasciste dans son ensemble s’est retrouvé dans une bonne partie des luttes antiracistes des années 2010-2020, notamment celles contre les violences policières, l’islamophobie ou l’impérialisme, sans que toutefois l’ensemble de ces thèmes fassent consensus.
La lutte contre le fascisme constitue un axe fondamental du combat des prolétaires. Le développement de luttes populaires reste le moyen principal d’imposer la lutte de classe, la solidarité, le refus de la domination masculine et homophobe. Ce qui permet de briser les tentatives d’hégémonie culturelle des nationalistes et des fascistes. Le fascisme progresse lorsque le mouvement social est brisé. Le reflux des luttes ou leurs défaites contribuent à la montée de l’extrême droite.
Combattre celui-ci nécessite l’existence de campagnes antifascistes propres. Refuser la banalisation des thèses réactionnaires, rappeler qu’elles sont liberticides, porteuses de crimes et de génocides et démontrer notre opposition point par point aux discours fascistes est fondamental. Pour participer ou mener ces campagnes, l’UCL s’engage à deux niveaux.
Le premier niveau est celui de notre organisation. En diffusant les valeurs d’entraide, de solidarité, d’égalité, d’autonomie individuelle et collective, nous devons regrouper les individu·es qui ne fondent pas leur horizon de société autour de la défense des hiérarchies, de la lutte pour le pouvoir, de la force brute et de la croyance en des êtres supérieurs. Dans ce sens, la participation et le renforcement de la lutte antifasciste doit être vu comme une priorité.
Ce renforcement doit s’articuler autour de la mise en place d’outils de formation, de propagande et d’autodéfense susceptibles de lutter efficacement contre le fascisme. Il ne s’agira à aucun moment de prendre le contrôle de la lutte, mais bien d’y défendre nos principes d’autogestion et de démocratie, et par la même de bâtir, toutes et tous ensemble, une société débarrassée du fascisme et de ses fondements.
Pas de consigne de vote
Cependant, il ne peut être question que nous soyons l’avant-garde antifasciste prête à faire le coup de poing. Nous devons éviter le piège d’un tête-à-tête contre les fascistes, qui placerait l’État et les courants politiques institutionnels dans le rôle d’arbitres, usant tour à tour de la répression pour les uns et pour les autres.
Un deuxième niveau s’impose : l’unité la plus large sur des bases humanistes et de défense des exploités. Notre rôle est d’appuyer les tentatives qui viseraient à dépasser les professions de bonne foi œcuméniques, et, à l’inverse, un certain activisme « radical », minoritaire, associé parfois à un comportement militariste. Si le « front républicain », au sens d’un regroupement institutionnel, sans référence à un discours et à une pratique commune est aujourd’hui complètement galvaudé, nous participerons et nous encouragerons sans exclusives les initiatives unitaires possibles qui opposent un discours positif et de luttes à celui de l’extrême droite.
Néanmoins, le fascisme n’a jamais été éradiqué par le biais des consultations électorales, ces dernières lui ayant même conféré une légitimité politique et médiatique. En conséquence, l’UCL s’abstiendra de donner une consigne de vote ou d’appeler à un « vote barrage ». Les individus sont libres de se positionner en conscience dans une stratégie d’urgence ou de barrage à l’extrême droite.