★L’Union Communiste Libertaire réaffirme son soutien à l’EZLN et leur voyage pour la vie autour du monde★

En pleine crise sociale mondiale aggravée par la pandémie de coronavirus, qui a entraîné dans de nombreux pays la démobilisation des mouvements sociaux, des organisations politiques et des collectifs, le zapatisme a lancé une nouvelle invitation aux luttes « d’en bas et à gauche ». L’UCL soutient pleinement cette initiative et s’y implique.

« Camarades anarchistes, nous les zapatistes, nous ne mettrons pas nos insuffisances sur votre compte (y compris le manque d’imagination), et nous ne vous rendrons pas responsables de nos erreurs, et entendons encore moins vous reprocher d’être ce que vous êtes. » [1]

SupMarcos, 2013

« Si vous allez critiquer quelque chose, faites d’abord bien vos recherches. L’ignorance bien rédigée est comme l’idiotie bien prononcée : tout aussi inutile. » [2]

Miquel Amorós, parafraseado por el SupMarcos, 2013

« Les personnes que nous rencontrions voulaient soit nous diriger, soit que nous les dirigions. Il y a eu ceux qui nous ont approchés et l’ont fait avec le désir de nous utiliser, ou de regarder en arrière, soit avec une nostalgie anthropologique, soit avec une nostalgie militante. Donc pour certains nous étions communistes, pour d’autres trotskystes, pour d’autres anarchistes, pour d’autres maoïstes, pour d’autres millénaristes, et ici je laisse plusieurs « istes » pour que vous puissiez mettre ce que vous savez. […] Enfin, quelqu’un qui a compris que nous ne cherchions ni des bergers pour nous guider, ni des troupeaux pour les conduire à la terre promise. Ni des maîtres, ni des esclaves. Ni des chefs de guerre, ni des masses sans tête. » [3]

SupMarcos, 2014

« Provoquer la pensée, la discussion, le débat, c’est quelque chose que nous, zapatistes, nous estimons au plus haut point. Nous avons donc de l’admiration pour la pensée anarchiste. Bien sûr, nous ne sommes pas anarchistes, mais les questionnements posés par l’anarchisme sont de ceux qui provoquent et ravivent les idées, de ceux qui font réfléchir. Et il me semble que de ce côté, mais pas uniquement, la pensée critique orthodoxe, si je puis dire, a beaucoup à apprendre de la pensée anarchiste. Par exemple, la critique de l’État en tant que tel est portée depuis bien longtemps par la pensée anarchiste. » [4]

SupGaleano

Malgré la recrudescence du paramilitarisme dans les régions où le mouvement zapatiste (sous une forme large, incluant le CNI-CIG et de nombreuses autres luttes connexes) dispute des territoires à l’État et aux entreprises transnationales ; malgré une pandémie qui s’attaque aux plus démuni.es, sachat que la majorité des indigènes au Mexique sont dans une situation de pauvreté voire d’extrême pauvreté ; malgré une campagne médiatique gouvernementale qui rappelle, à l’instar de certains anarchistes français, que le zapatisme est mort depuis des années et que le mouvement doit en prendre conscience pour cesser d’être une nuisance ; malgré la catastrophe climatique mondiale, l’EZLN a laissé entrevoir la réalisation du rêve de ces dernières années : la convergence des luttes.

Contrairement aux groupes dogmatiques de différents courants de gauche, le zapatisme fait preuve de respect envers ceux qui partagent les mêmes ennemis. Depuis son soulèvement en 1994, l’EZLN a été la cible d’attaques sur tous les fronts, fondées sur le racisme, la jalousie ou le sectarisme. Depuis 2014, les peuples zapatistes ont écarté le sous-commandant insurgé Marcos de la direction de l’EZLN, et l’ont rebaptisé Galeano (en hommage à un militant zapatiste tué par des paramilitaires) pour donner au métisse la mort tant désirée par beaucoup ; le sous-commandant insurgé Moisés, cent pour cent indigène, a été mis à la tête de l’organisation.

Les attaques dirigées contre la personne de Marcos/Galeano, malgré le changement connu de direction de l’armée zapatiste, cherchent à nier la capacité d’action des peuples indigènes zapatistes en désignant l’ancien leader comme le cerveau des succès et des échecs du mouvement ; il s’agit donc d’attaques racistes.

Les zapatistes ont réussi, dans la limite des possibilités du racisme d’État et malgré les limites de l’intelligentsia de gauche (européenne et latino-américaine), à tisser des liens avec des milliers de luttes sur l’ensemble du territoire européen, désormais rebaptisé Slumil K’axjemk’op. La délégation de près de 200 indigènes n’a pas encore touché la terre de l’autre côté de l’Atlantique que des centaines d’événements ont déjà eu lieu, reliant des organisations, des collectifs et des individus dans des luttes telles que le droit au logement, les luttes féministes, antiracistes, anti-impérialistes, anti-coloniales, etc.

Ceux qui, depuis l’Europe, critiquent confortablement les stratégies du large mouvement indigène zapatiste articulé autour du CNI-CIG et de l’EZLN, devraient se rendre compte qu’il n’est pas nécessaire d’être anarchiste ou marxiste pour provoquer la chute du capitalisme, qu’il n’est pas nécessaire de suivre à la lettre des dogmes du 19e siècle, en se fermant à toutes les expressions différentes ancrées dans leur réalité spécifique, pour créer des contre-pouvoirs qui, attaquant le capitalisme dans ses moyens de production, de circulation et de consommation, donnent des coups mortels à ce système.

L’expérience para-électorale du CNI-CIG en 2018, suite à la proposition de l’EZLN de présenter une candidature collective aux élections présidentielles (et à laquelle l’armée zapatiste elle-même n’a pas participé), a révélé tout le racisme de l’État et le mensonge de la représentation populaire à travers les élections. Cette stratégie a été critiquée par des positions anti-électorales qui, avec un aveuglement épistémologique, ignorent les réussites de la campagne indigène : renforcer les liens entre des luttes très diverses pour la défense du territoire et l’autodétermination des communautés indigènes qui, jusqu’alors, étaient disjointes ou en dehors du CNI et briser le siège médiatique qui enferme les luttes territoriales des peuples indigènes dans des déserts de silence. Il convient de noter que la porte-parole Nahua, présentée comme une pré-candidate du CNI, n’a pas figuré sur le bulletin de vote.

Il y a ceux qui n’ont pas honte de leur ignorance lorsqu’ils affirment que l’EZLN est devenue une partie de la politique institutionnelle, pour avoir fait appel à tous les moyens pour manifester leur soutien aux victimes des crimes d’État, y compris la participation à une sorte de plébiscite récent ; ces positions omettent le fait que près de 800 communautés indigènes du Chiapas ont tenu des assemblées communautaires (pas de vote et en dehors du système juridique) pour soutenir la demande de justice ; elles omettent le fait que beaucoup de ces communautés n’étaient même pas des communautés zapatistes mais ont préféré cet exercice (non juridiquement contraignant) à l’exercice des urnes qui a eu lieu en parallèle. Là où les critiques voient une intégration dans le système, la réalité montre une désintégration du système étatique mexicain, tout en augmentant l’articulation des autonomies des communautés indigènes.

Le voyage en Europe a laissé les communautés zapatistes dans le rouge. Les différentes campagnes de crowdfunding permettent à la géographie européenne de préparer la visite des communautés. La mesquinerie de ceux qui prétendent que la visite a un but commercial omet, parce qu’elle ne l’ignore pas, que c’est un devoir moral des militants ayant une vision internationaliste de faire preuve de solidarité et que, bien que pour l’instant les fonds soient collectés pour soutenir le Voyage pour la vie, rien ne serait plus juste que de promouvoir également toute initiative qui renforcerait l’économie des communautés zapatistes contre l’assaut de l’État mexicain, de ses paramilitaires et des entreprises transnationales qui convoitent la jungle Lacandone. Depuis leur position, les peuples zapatistes, ont eux également été solidaires des luttes menées dans d’autres géographies [5]

En tant qu’Union Communiste Libertaire, nous saluons l’initiative du Voyage pour la Vie [6] – nous admirons l’effort que font des centaines de milliers d’indigènes zapatistes, mettant leur vie en danger – pour venir nous parler de leurs luttes et écouter les nôtres, pour nous donner une belle raison de nous rencontrer entre militant·es en Europe et pour encourager la création d’un réseau de résistance et de rébellion globale qui mette fin au colonialisme, au patriarcat et au capitalisme.

[1Mauvaises et pas si mauvaises nouvelles

[2Mauvaises et pas si mauvaises nouvelles

[3Entre la luz y la sombra

[4Le mur et la brèche. Premières notes sur la méthode zapatiste

[5D’Ayotzinapa, du Festival et de l’hystérie comme méthode d’analyse et guide pour l’action

[6Sixième partie : Une montagne en haute mer