Face au vent islamophobe qui traverse le pays : tirer le frein d’urgence

L’extrême droite est plus proche que jamais du pouvoir. Toutes les digues sautent, au point que le premier ministre peut rendre hommage au « combat » du collectif néofasciste Némésis. L’islamophobie d’Etat débridée est un des carburants de la fascisation du pays. Ces dernières semaines ont donné lieu à des situations ahurissantes, qui dessinent une période particulièrement difficile pour les musulman⸱es et toutes les minorités racisées par l’Etat français.
L’humoriste Merwane Benlazar, invité pour sa première chronique à la TNT sur C à Vous le 31 janvier 2025, a été licencié par la ministre de la culture Rachida Dati après cette chronique, sans recevoir de soutien de la part de son équipe. Seul motif du licenciement : l’indignation de l’extrême droite de voir un musulman à la télévision, relayée par l’Etat au moyen de sa censure immédiate. Le procédé n’est pas nouveau : le rappeur Médine, la chanteuse Mennel, la syndicaliste Maryam Pougetoux, et bien d’autres, avaient déjà été harcelé•es pour leur simple existence médiatisée comme personnes arabes, et leurs propos antérieurs avaient déjà été scrutés, inventés, déformés, amplifiés, pour justifier après coup l’acharnement. Néanmoins, la rapidité avec laquelle le ministère de la culture s’est saisi de cette affaire, transformant des aboiements islamophobes en affaire d’Etat, témoigne de la radicalisation et de l’intensification du racisme d’Etat.
Relais des paniques morales, l’Etat est surtout un producteur majeur de politiques islamophobes. Le 28 octobre 2024, la France avait déjà été épinglée par le groupe de travail de l’ONU sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, qui avait jugé « discriminatoire » l’interdiction du hijab en compétition sportive pratiquée par certaines fédérations, dont celle de football. Pourtant, la proposition de loi votée au Sénat le 18 février dernier avec le soutien du gouvernement risque d’étendre encore ces discriminations, en les transformant en obligation légale. En matière scolaire, une série de lois et décrets racistes, de la loi de 2004 à l’interdiction de l’Abaya, cible les musulman•es dans l’école publique. Le 6 janvier dernier, le lycée Al-Kindi, jusqu’alors le dernier lycée privé musulman sous contrat de France, a perdu ses financements publics. Traitement d’exception raciste, quand de nombreux établissements catholiques, dont Bétharram ou Stanislas, continuent à jouir de l’argent public malgré de nombreuses affaires de violences sexuelles et LGBTI-phobes en leur sein. Au paroxysme de cette haine islamophobe, l’incendie criminel de la mosquée de Jorgeau dans la nuit de mardi 25 à mercredi 26, veritable attentat raciste qui n’a heureusement fait aucune victime. Sur le sujet, silence total de la part des médias.
Parallèlement, la liberté d’expression des musulman⸱es fait l’objet d’une répression féroce. L’Imam Noureddine Aoussat, auprès de qui nous sommes intervenu-es au cours du meeting unitaire « après le 7 juillet, que faire ? » du 7 juillet 2024, a subi une violente perquisition à son domicile en raison de son soutien au peuple Palestinien. Abdourrahmane Ridouane, président de la mosquée de Pessac, a subi plusieurs mois d’enfermement en Centre de Rétention Administrative et des poursuites pénales pour les mêmes raisons, subissant du même coup la double peine avec une administration française cherchant par tous les moyens à l’expulser.
Ces événements ne doivent pas être pris isolément, ni être banalisés. Il est au contraire impératif de les comprendre comme une politique cohérente, qui consiste à s’en prendre systématiquement à toutes les manifestations visibles (réelles ou supposées) de l’Islam en France. Partout, l’Etat et ses relais fascistes s’en prennent aux personnes musulmanes. La barbe, le voile, n’importe quel symbole est présenté comme un danger civilisationnel, pour mieux justifier l’atteinte aux droits fondamentaux des musulman•es.
A une politique raciste cohérente et systématique, opposons une politique antiraciste cohérente et systématique. Il ne suffit pas de réagir au cas par cas, lorsque la personne ou l’organisation ciblée par une attaque islamophobe nous est proche. A chaque harcèlement islamophobe, à chaque nouvelle loi raciste, à chaque perquisition abusive, soyons aux côtés de celles et ceux qui luttent. Au moment de l’affaire Dreyfus, l’honneur du mouvement anarchiste fut de comprendre que leur rôle était d’être aux côtés de toutes celles et tous ceux qui subissent le racisme, y compris un capitaine d’armée accusé de trahison par antisémitisme.
Nous appelons à rejoindre toutes les initiatives contre de nouvelles lois, de nouvelles expulsions, de nouvelles arrestations et dissolutions racistes. Mais il ne suffit pas de se défendre : un mouvement populaire massif et offensif contre l’islamophobie est urgent. L’union communiste libertaire participera aux initiatives visant à obtenir des avancées contre l’islamophobie.
Nous revendiquons :
– Le retrait de la loi de 2004 sur le port des signes religieux à l’école ;
– Le retrait du décret de 2023 interdisant le port de l’abaya à l’école ;
– Le retrait de la loi séparatisme, passée sur des motifs islamophobes et réduisant les libertés d’expression et d’association ;
– Le retrait de tous les règlements discriminatoires contre le hijab dans les compétitions sportives, et plus généralement dans l’espace public ;
– La régularisation de tous et toutes les sans-papiers, mettant fin à des politiques discrétionnaires de régularisation « au cas par cas » qui favorisent les traitements d’exception racistes.
Union communiste libertaire, le 1er mars 2025.